ÉPOQUE 1940-1951


En 1939, Poclain est une petite entreprise d'une cinquantaine de personnes. La guerre déclarée, un marché est passé avec la Défense Nationale pour fabriquer des remorques devant recevoir des systèmes d'épuration d'eau. Un autre pour des chariots transportant des gaz. Un troisième consiste à mettre sur pneus les groupes électrogènes du terrain d'aviation du Plessis-Belleville. En parallèle, la construction de matériel agricole se poursuit presque normalement. Au mois d'avril, Georges Bataille édite le n° 1 du bulletin de liaison des Ateliers de Poclain, «  Le Trois Roues ». Au sommaire, le mot du patron, la page du syndicat, des nouvelles des ateliers et des permissionnaires, les allocations des femmes de mobilisés et un carnet blanc… vierge de tout évènement.


Dans la France occupée

Après l'offensive allemande et l'armistice du 22 juin, l'entreprise se retrouve en zone occupée. Georges Bataille aura bien du mal à faire redémarrer puis à maintenir l'activité. Non que les commandes fassent défaut mais le fer manque, les bras manquent. « Le Trois Roues » de décembre et janvier 1943 parle de 7 000 kilos de fer attendus et de 1 500 reçus. Les réparations se multiplient, on bricole. Chaque remorque produite semble être la dernière. Georges Bataille facilite autant que faire se peut la vie matérielle de ceux qui restent, organise pour les requis du STO le retour des fonds en France par le Crédit Lyonnais de Senlis, fait fabriquer des caisses pour l'envoi des colis. En mars 1943, il reste en tout et pour tout une quinzaine d'ouvriers et la production tourne au ralenti.


Le retour de la paix

L'ancienne usine Hyppolite Clair à Crépy
En août 1944, la libération devient enfin une réalité. Le Plessis­Belleville et les « Ateliers de Poclain » n'ont quasiment subi aucune destruction. Dès le 7 septembre, le nettoyage de l'entreprise et la remise en état du matériel peuvent commencer. Il n'y a pas d'électricité mais la maintenance et les charrons se mettent au travail. Pour Georges Bataille, chacun doit pouvoir reprendre sa place le plus rapidement possible. Il faudra néanmoins du temps. La libération n'est pas la paix et la guerre se poursuivra jusqu'à la capitulation du Reich, le 8 mai 1945. En France, passés l'euphorie de la victoire et les règlements de compte, les réalités économiques reprennent le dessus. Le ravitaillement est difficile, les matières premières rares et souvent affectées à des industries prioritaires. Malgré tout, aux « Ateliers de Poclain », l'effectif se complète progressivement et la production reprend. En 1946, la scierie de l'usine de meubles Hyppolite Clair à Crépy-en-Valois est rachetée. Peu à peu, les ventes augmentent, rattrapent puis dépassent leur niveau d'avant-guerre. Ce mouvement ascendant se poursuivra jusqu'en 1948. A cette date, plus de 120 personnes travaillent dans l'entreprise.


Les atouts des ateliers de Poclain

Une remorque épandeur à fond mobile. La guerre passée, Georges Bataille pensait légitimement avoir fait le plus dur. L'activité de l'entreprise atteint un bon niveau et désormais deux de ses fils, Jacques et Pierre travaillent à ses côtés. Tous deux ont moins de trente ans et sont ingénieurs de l' IDN. Avec eux, Georges Bataille va pouvoir appliquer ses convictions d'industriel. Il est persuadé que, même si l'agriculture subit plus qu'elle n'accompagne une modernisation que beaucoup de petits exploitants se trouvent incapables de financer, la mécanisation est à terme inéluctable. Et dans ce domaine tout ou presque reste à faire : 135 000 tracteurs en 1950 contre 2 millions de chevaux, un matériel souvent hors d'âge qui n'a pas été renouvelé depuis l'avantguerre, des techniques en retard sur la plupart des pays. Face à cet état de fait, la gamme des remorques à trois roues que les < Ateliers de Poclain " proposent est complète, solide, parfaitement adaptée aux travaux de la ferme. Les catalogues mettent en évidence la polyvalence, les choix techniques et la qualité d'une fabrication industrielle en séries importantes. Devis et études gratuits, garantie six mois pour le matériel fourni, la société s'est, de plus, organisée en deux sites de production modernes : le Plessis-Belleville pour les appareils forestiers, les ensembles mécaniques et en général tout le matériel léger, et l'usine de Crépy-en-Valois dont les magasins sont directement reliés au réseau ferroviaire et qui est spécialisée dans le matériel lourd et la série. Le Plessis est dirigé par Albert Bulté et Crépy par Jean éverard. Roger Quartier, à la tête d'un service commercial comprenant des agents dans toute la France et en Afrique, assure les débouchés de l'entreprise.


Difficultés et incertitudes

Bernard et Marie-Liesse Bataille s'amusant avec un jouet chariot trirou Ce bel édifice menace de s'écrouler en 1949. La grève des achats déclenchée par les agriculteurs vide brutalement les carnets de commandes. Les remorques invendues s'alignent aux abords des ate­liers, l'argent ne rentre plus et chaque paye est un peu plus difficile à assurer. Georges Bataille stimule alors le bureau d'études qu'anime Gérard Coolen. Il faut trouver quelque chose pour franchir cette mauvaise passe, attendre que cette crise finisse. Il croit beau­coup à la chenille et des applications autres que celle des wagonnets sont certainement possibles. Des études sont réalisées, des prototypes essayés. Dans la même optique, sont perfectionnés les pulvérisateurs à acide pour traiter les mauvaises herbes ou les dory­phores, des épandeurs de fumiers, du matériel forestier. Réparations, adaptations, la plus petite comman­de est bonne à prendre, le moindre projet digne d'être étudié. Du matériel agricole de toute nature est fabriqué, vendu unité par unité. Georges Bataille pense un moment aux jouets: partant des remorques à trois roues, il monte un catalogue reprenant en miniature une partie de sa propre gamme. Succès... pour ses petits-enfants. L'essai commercial, bien que fait avec Robert Blondiau, est sans lendemain. Le bureau d'études se remet au travail et l'entreprise continue à vendre tant bien que mal sa production. Jacques et Pierre Bataille réfléchissent également. Dans l'urgence, ils arrivent à la conclusion que les chariots agricoles et la grande majorité du matériel fabriqués par les « Ateliers»  sont en fait trop simples. N'importe quel charron peut les réaliser. Ce qu'il faut, c'est se tourner vers des produits à valeur ajou­tée technologique importante, orienter l'entreprise dans un secteur promis à évoluer fortement. La manutention agricole semble répondre à ces critères. Encore faut-il trouver des applications technique­ment réalisables et commercialement valables. En attendant, les « Ateliers de Poclain»  ne doivent leur survie qu'à un moratoire sur les dettes les plus impor­tantes. Et pressé par ses fils, Georges Bataille doit réduire l'effectif à 90 personnes.

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