ÉPOQUE 1985-...


La reprise de Poclain Hydraulics par Pierre Bataille est en fait un véritable retour aux sources. Dès l'année 1949, il vante les mérites de la haute pression, trouvant cette technique remarquable par ses capacités à transmettre des efforts importants avec un faible volume d'huile et des tuyauteries de petites sections. Au début des Pelles, en 1952, Pierre Bataille est de plus en plus convaincu que les techniques de transmissions hydrauliques ont beaucoup d'avenir et que, dans de nombreuses applications, elle vont remplacer les transmissions mécaniques. À l'époque, Poclain a peu de moyens financiers et consulte les spécialistes français de la profession avant de faire appel notamment aux sociétés Gury, Marrel et Hydroméca. Avec ces trois entreprises, Poclain développe une gamme de produits, pompes, distributeurs qui équipent les pelles et évoluent progressivement en qualité et fiabilité. Dans cette évolution, 1957 marque une date importante. Alors que les hydrauliciens français « calent » sur la rotation totale, Claude Bataille réussit ce pari pour la TY 45, adoptant pour cela la technique du moteur à basse vitesse et fort couple. L'idée est que le même moteur peut faire tourner une tourelle de pelles et mouvoir les chenilles. Le succès remporté par la TY 45 et cette forme de transmission poussent alors Pierre Bataille à créer une véritable Division Hydraulique au sein de l'entreprise. Pierre Praddaude en a la responsabilité.


Poclain Hydraulics à Verberie

En 1969, Pierre Praddaude et toute son équipe, dont Jean Guillot est le directeur commercial, s'installent dans la toute nouvelle usine de Verberie, cherchant, développant et vendant une gamme de moteurs hydrauliques de plus en plus performants. Dans le même temps, la Division s'ouvre au marché extérieur et part à la conquête de nouveaux utilisateurs. Pour ce faire, des bureaux commerciaux sont établis auprès du réseau commercial de Poc1ain, en particulier en Allemagne et aux États-Unis. Dans d'autres pays, en Amérique du Sud par exemple, des accords de production locale font de Poc1ain Hydraulics le fournisseur des composants pour ses licenciés et ses usines lointaines. Quant au Japon, la société Poc1ain Yutani Hydraulics est créée en participation avec Yutani et Marubeni dès 1969 et deux usines de composants sont ouvertes entre cette date et 1975. Durant cette période, le développement des Pelles est d'ailleurs si rapide que Verberie se révéle insuffisant et que la création d'un nouvel atelier de production en Irlande, Poc1ain Hydraulics Ireland, est décidée. Enfin, dernières conséquences de ce formidable essor, la Division s'enrichit à partir de 1972 de l'apport des sociétés Perrier et Gury, et constitue avec Ferodo, que dirige M. Gourdon, un véritable pôle de l'hydraulique française.


Le reflux

Avec les difficultés, 1977 voit la tendance s'inverser : reprise de Poclain Yutani Hydraulics par Yutani, désengagement de Ferodo, fermeture en 1980 de l'usine d'Irlande. Poclain Hydraulics, avec désormais à sa tête Pierre Lecard, souffre tout comme sa maison mère, Poclain SA. Dans ce contexte difficile, J.I. Case révise sa stratégie à l'égard de cette filiale en 1982. Les américains pensent en effet qu'une source unique d'approvisionnement n'est pas une bonne solution pour eux. Ils font état d'autres propositions plus avantageuses et mettent en exergue la conception ancienne des moteurs fournis par Poclain Hydraulics et leur manque de compétitivité. Pour finir, une étude demandée au Boston Consulting Group arrive à des conclusions extrêmement pessimistes. C'est une véritable condamnation de la société et les américains décident soit de vendre, soit de fermer Poc1ain Hydraulics.


Poclain Hydraulics au bord du gouffre

Gilbert DEJOUX 1983. Gilbert Dejoux, qui a déjà une longue carrière au sein de Poclain, a été nommé à la tête de Poclain Hydraulics. Sa mission : fermer Verberie. Les américains n'ont, en effet, trouvé ni acquéreur, ni partenaire pour cette filiale et jugent que le temps est désormais compté. Avec son équipe de Direction, Jean Cart, Jean Guillot, Jacques Mayer, Jacky Méfort, Louis Michaud, Gilbert Dejoux tente de défendre les atouts de cette filiale, les développements à venir, les projets, les compétences accumulées. Il s'efforce de convaincre le Directoire de Case qu'un avenir existe pour Poclain Hydraulics, que les nouveaux produits sont là, que l'esprit d'équipe et la mobilisation restent forts. Réunions multiples,confrontations, Gilbert Dejoux prend des risques et, avec l'appui des Pouvoirs Publics, pèse de tout son poids pour éviter la fermeture. Jerry Green, Président de J.I. Case, reste sur sa position mais accorde un délai au Directeur de cette filiale décidément bien remuante : 6 mois pour rechercher un acquéreur. La procédure de licenciement est néanmoins lancée et annoncée au personnel en février 1984.

Sursis et décisions

Compacteur Bomag1984 voit la situation de Poc1ain Hydraulics se redresser. Le personnel est resté mobilisé derrière son équipe de Direction et les résultats se sont nettement améliorés. Gilbert Dejoux, dont la base du management est la détermination, l'écoute, la délégation et le respect, peut affirmer qu'il y a une solution pour Poclain Hydraulics et que l'entreprise doit être bénéficiaire si l'on poursuit dans la même voie. Au Conseil de Surveillance de Case-Poclain, un homme comprend ce message. Pierre Bataille étudie en effet de plus en plus sérieusement la possibilité de reprendre cette société. En plus des arguments développés par Gilbert Dejoux, d'autres éléments achèvent de le convaincre. Tout d'abord, un voyage aux États-Unis où Claude Pinson développe les ventes avec Jeff Belhing et qui lui confirme que les moteurs G 4 sont promis à un bel avenir. Ensuite, un déjeuner avec K.H. Schwamborn, le Président fondateur de Bomag, qui croit, lui aussi, à la viabilité de Poclain Hydraulics et qui ne lui cache pas son souhait de lui voir reprendre cette affaire dont il est un client très satisfait. Il est même prêt à participer à l'opération. Pierre Bataille réfléchit puis commence à pressentir les autres partenaires possibles.

Un acheteur américain

Sur le terrain, les choses s'accélèrent : un fabricant américain fait une proposition de rachat au début de l'année 1985. Il assortit sa reprise d'un nouveau plan de licenciement de 125 personnes. Gilbert Dejoux et son équipe ne jugent ni indispensable, ni réaliste cette réduction d'effectifs et vont, encore une fois, tenter de trouver une contre-proposition. Quelques semaines plus tard, le 7 février, au cours du Conseil de Surveillance où le sort de Poclain Hydraulics doit être décidé, Jerry Green indique à Pierre Bataille que s'il est effectivement intéressé par la reprise de cette filiale, il ne peut rester à la présidence du Conseil de Case-Poclain : « Il y a incompatibilité car conflit d'intérêt ». La décision de Pierre Bataille est vite prise : il démissionne et décide de se porter acquéreur. Le soir même, à la surprise générale, il apprend que Case a tranché : l'offre du constructeur américain a été choisie de préférence à celle de Pierre Bataille.

Un rachat tumultueux

Malgré le choix de Case, Pierre Bataille ne veut pas en rester là. Il décide de se battre pour reprendre Poclain Hydraulics. Commence alors une course contre la montre. Le Ministère de l'Industrie ainsi que les Autorités demandent à Case de reconsidérer leurs positions et de favoriser la solution française. Gilbert Dejoux et son équipe soutiennent également cette solution. David S. Bigelow, Président du Directoire de Poclain SA ne dit pas « non » mais accentue alors ses exigences : au rachat complet des actions, à la prise en compte de toutes les cautions et engagements, au financement très large, s'ajoute désormais une somme de 4 MF à débloquer immédiatement et qui représente soit une avance sur la transaction, soit un dédommagement si l'affaire ne se fait pas. Pierre Bataille prend le risque de perdre cette somme, s'engage et entame un tour de table. Après bien des péripéties, des discussions, des difficultés, réunissant les ressources familiales, des amis proches, les banques BIMP et NSM, le concours de K.H. Schwamborn, la reprise de l'affaire peut être signée le 13 août 1985.

Le pari de Poclain Hydraulics

Applications hydrauliques Le pari qui s'engage alors pour Poclain Hydraulics va être gagné. Garder la plupart du personnel, retrouver une clientèle pour au moins 50 % de la production (pourcentage anciennement assuré par Case-Poclain), changer entièrement les produits et un équipement de production dépassé, ces différents objectifs seront atteints en moins de 5 ans et ce, gràce à 4 forces : une direction clairement exprimée, des hommes compétents dans des structures bien adaptées, un nouveau produit (le moteur G 4) et un réseau commercial de qualité. Aujourd'hui, Poclain Hydraulics est le spécialiste du moteur à came et possède dans ce domaine une gamme complète pour de nombreuses applications et pour le monde entier. Avec en 1990, 621 personnes dont 31 à l'étranger, un chiffre d'affaires de 429 MF, dont plus de 60 % réalisés à l'étranger et moins de 5 % avec Case-Poclain, Poclain Hydraulics est l'un des plus grands outils de production de composants hydrauliques d'Europe. Chaque année, 6 % de son CA et 10 % de ses effectifs sont affectés à la Recherche et au Développement.

En guise de conclusion

Condamnée par la plupart en 1985, Poclain Hydraulics a réussi le pari de l'évolution technologique et de la mobilisation des hommes. Renouvelant à la fois ses produits et sa clientèle, cette société, bien que travaillant dans des techniques difficiles et sur des marchés susceptibles de variations importantes, présente désormais une structure financière solide. Pierre Bataille, son Président Directeur Général, Gilbert Dejoux, son Directeur Général, Laurent Bataille son Directeur Général Adjoint, sont à la tête d'un Comité de Direction quasiment inchangé depuis 1986 : Jean Cart, Directeur Industriel, Claude Pinson, Directeur Commercial, Jean Guillot, Directeur Commercial France-Italie-Espagne, Jacques Mayer, Directeur Qualité et Relations Humaines, Jacky Mefort, Directeur Technique, et Louis Michaud, Directeur Financier, sont des noms et des hommes bien dans la tradition Poclain. Ils perpétuent, comme d'autres ailleurs, une certaine idée de l'entreprise aux services de l'homme. Idée qui prit sa source en 1927, dans le cerveau d'un agriculteur de l'Oise, un entrepreneur au génie reconnu et à l'humanité immense : Georges Bataille.

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