ÉPOQUE 1968-1975


En 1968, l'analyse de Pierre Bataille et de la Direction de Poclain sur la situation de l'entreprise et sur son avenir est optimiste. Le ralentissement de la progression du chiffre d'affaires en 1967 est plus interprété comme une stabilisation du marché que comme un réel problème de structure de la société elle-même. Succédant à une formidable croissance, ce palier apparaît comme normal et provisoire. Les économies mondiales ont besoin de souffler avant de reprendre leur mouvement vers l'avant. D'ailleurs, corroborant cette thèse, les résultats des trois premiers mois de 1968 marquent une progression de 30 % sur les mêmes chiffres de 1967. En outre, la comparaison des ratios moyens entre les 500 premières sociétés privées françaises et Poclain est chaque fois à l'avantage de l'entreprise du Plessis Belleville. Par contre l'endettement est important et les fonds propres de Poclain correspondent seulement au cinquième du chiffre d'affaires. En fait, l'essentiel pour l'équipe de direction est de dégager suffisamment de bénéfices pour ne pas handicaper la croissance. Pierre Bataille est catégorique   : « Un industriel qui ne gagne pas d'argent est en état de péché mortel ». Et Poclain en gagne, gardant de ce fait la confiance des banques.


Pierre Bataille et la direction de Poclain

Pierre BATAILLE À quarante-trois ans, Pierre Bataille est à la fois un jeune PDG et un ancien de la maison. Il y a en effet 22 ans qu'il travaille aux côtés de son père à bâtir une société qui emploie désormais plus de trois mille personnes et totalise cinq usines en France. Président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Beauvais, Vice-président de l'Union Interprofessionnelle de l'Oise, membre de l'Assemblée générale du CNPF, membre du Conseil économique et social et auteur d'un rapport sur la compétitivité des produits français qui fit date, Pierre Bataille est un homme résolument tourné vers l'extérieur. « Je passe en moyenne 25 % de mon temps à l'étranger, 25 % à la Chambre de Commerce et dans des organismes différents et le reste de mon temps, directement dans l'entreprise. Quelquefois, je me dis que ce n'est pas assez. Quelquefois, que c'est une nécessité pour un chef d'entreprise d'aujourd'hui. » Outre cet emploi du temps chargé, en 1968, Pierre Bataille ne peut plus compter sur son frère Jacques à la direction de Poclain. Ce dernier, qui a participé à l'aventure dès 1944, a en effet quitté l'entreprise en septembre 1966 à la demande de son père. Ce départ ne fit pas oublier le remarquable bilan de Jacques Bataille. Créateur d'une véritable force de frappe commerciale, il sut structurer le réseau de Poclain sur le plan national et international, motiver ses équipes, défricher de nouveaux marchés, dével6pperdans l'entreprise le marketing et l'esprit de conquête. Désormais, aux côtés de Pierre Bataille, deux frères, Claude, directeur technique, et Bernard, directeur administratif, concourent aux destinées de Poclain. Plus jeunes, ils sont dans la société depuis respectivement dix et six ans. A cette ossature familiale s'ajoute une équipe de direction comportant bon nombre de grands anciens. Le plus emblématique étant sans doute Félix Trangosi, directeur financier, entré aux « Ateliers de Poclain » en 1939 comme... dessinateur.


Ancienne et nouvelle génération

Familiarisation avec les composants hydrauliques Depuis le succès des premières pelles, le rythme de croissance oblige en fait l'entreprise à un recrutement permanent. De moins de 500 salariés en 1954 à plus de 5 000 vingt ans plus tard et ce, uniquement sur la France, c'est déjà plus de 4500 personnes que Poclain a dû accueillir, former, intégrer. Ce chiffre explique en partie que le chef du personnel, Georges Kouck, siège au Comité de direction. Mais en partie seulement. Pour Pierre Bataille, il aurait mieux valu connaître comme par le passé, chacun des employés. Irréalisable. Le patron-ami, le contact d'homme à homme est possible à 50, difficile à 500 et impossible à 2 000. Avec regrets, le PDG de Poclain en est conscient: « Le chef d'entreprise est vraiment le chef d'orchestre dans une entreprise de 100 personnes. Lorsque celle-ci passe à 6 ou 700 personnes, il y a une démultiplication importante avec une équipe. À 3 ou 4 000, avec des filiales un peu partout, une deuxième démultiplication intervient parce que les collaborateurs eux-mêmes ne sont plus au courant des faits, ne connaissent plus les détails de leurs affaires et ne peuvent plus se renseigner directement. Ils sont obligés de se rendre sur place, de voir leurs collaborateurs, d'enquêter. La réalité s'éloigne et la communication devient un des problèmes fondamentaux de l'entreprise. » Avec 5 000 personnes, Pierre Bataille a beau privilégier les relations humaines tout autant que son père, il ne peut les concevoir qu'avec d'autres moyens. Responsabiliser, former, informer, favoriser partout où cela est possible l'esprit d'initiative et le dialogue social. Autrement dit, communiquer et échanger avec, si ce n'est chacun, du moins le plus grand nombre. Pour Pierre Bataille, cet effort doit permettre de conserver l'esprit maison et de poursuivre la progression en assimilant les changements. Il ne dit pas autre chose quand il déclare: « Le rôle d'un chef d'entreprise est de concilier le développement économique et le développement des hommes. » Ce projet, pourtant, n'est pas simple. Au niveau des cadres, l'amalgame entre embauchés et pionniers n'est pas exempt de court-circuit et de frictions. Souvent plus « pointus» en économie, les jeunes cadres ont du mal à se situer par rapport à leurs aînés, personnage «made in Poclain » parfois moins formés théoriquement mais extravertis et plus près des hommes. Un des soucis de la direction est de veiller à cette cohésion, de faire en sorte, pour reprendre une expression de Georges Bataille, que « tous tirent dans le même sens ». Il faut comprendre de cette manière l'obligatoire passage au CIT, Stage de formation hydraulique au C.I.T. le Centre d'Instruction Technique, pour les nouveaux cadres. Ils seront « peints en rouge », donc de la couleur de la marque, avant de prendre réellement leur fonction. É;galement, sous l'impulsion de Georges Kouck, un programme de réunions, de stages et de séminaires est mis en place pour l'encadrement. Le chef du personnel, humaniste reconnu qui cite volontiers Aristote dans ses éditoriaux de Poclain Journal, ne se lasse pas de répéter que « le dialogue se révèle porteur d’avenir pour les uns et les autres ». Le stage Sigma en 1970, destiné à renforcer la compétence managériale, et les stages Oscar en 1973 et 1974, visant à responsabiliser et impliquer davantage les femmes et les hommes de l'entreprise, sont les manifestations les plus visibles de ce travail de formation et de communication. L'effort est important. Durant les stages Oscar, plus de 1 000 cadres et agents de maîtrise participent aux différents groupes pour un total de 20 800 heures. Le nombre des questions posées au cours des commissions de travail dépasse 1 500 et le nombre des résolutions prises, 6 000. Ces résultats entraînent une première série de décisions annoncées par Pierre Bataille à la réunion des Cadres de mai 1974: parmi elles, la relance du système de suggestions, l'étude d'un programme de formation économique, l'association plus grande des Cadres au plan de développement, l'encouragement de la mobilité interne par une meilleure information des postes à pourvoir et la plus grande diffusion du document «Qui fait Quoi ». Par ailleurs, le Président s'engage à recevoir régulièrement les cadres afin d'évoquer avec eux les problèmes de l'entreprise et d'entendre leurs suggestions. Enfin, en 1975, un fascicule est édité qui, s'appuyant sur les travaux des stages Oscar, précise la vocation et les politiques de Poclain. L'objectif essentiel est ainsi défini pour les prochaines années: « Rester le leader mondial de la pelle hydraulique. » De même, la refonte répétée de l'organigramme, la répartition renouvelée des compétences et des champs d'interventions reflètent cette recherche d'efficacité dont, à terme, la dynamique de la société dépend.


Diversification et décentralisation

En 1968, malgré les évènements de mai, cette dynamique n'est pas remise en cause. Le chiffre d'affaires hors taxe affiche une augmentation record de 35,6 % pour passer au-dessus de la barre des 355 millions de francs et les ventes continuent de progresser. Par contre, les délais trop longs commencent à mécontenter les clients et concessionnaires. A terme, le danger est de perdre des commandes et de voir passer à la concurrence, par faute de machines, un marché techniquement et commercialement favorable. Un déphasage est en train de grandir entre les services commerciaux et les services de fabrication. Pierre Bataille et la direction décident un nouveau plan d'investissement basé, comme par le passé, sur l'autofinancement, l'emprunt et une augmentation de capital qui sera cette fois doublé. Embauches, sous-traitance accrue, équipements de complément pour l'ensemble des usines avec un doublement des surfaces de chargement pour Crépy-en-Valois et de nouvelles installations au Plessis, tout doit être fait pour contenter la clientèle et raccourcir les délais. Cette expansion amène Poclain à réorganiser en profondeur les structures de l'entreprise. En 1972, quatre divisions composeront le Groupe Poclain : une division Pelles, une division Grues, une division Chargeurs et une division Hydraulique.

L'activité principale reste bien sûr le fait de la division Pelles. Ses moyens de production se répartissent entre ses trois sites de l'Oise (le Plessis-Belleville, Crépy-en-Valois et Compiègne) et ses deux sites étrangers (Saragosse en Espagne et Tournai en Belgique). Tous n'ont pas la même importance ni le même rôle. Ils ont été réorganisés dans ce qui a été appelé un programme de satellisation. Ainsi, l'unité de montage de Crépy a été prise comme centre unique de production pour l'Oise, les autres unités du département fabriquant les sous-ensembles. Le site « historique» du Plessis-Belleville comporte la Direction Générale, les Services Généraux, le Bureau d'Études et l'unité de fabrication des nouveaux modèles. Compiègne de son côté, abrite une unité de fabrication spécialisée dans la tôlerie légère. Dans le cadre de la décentralisation, la fabrication des pelles de la gamme basse est réalisée à Saragosse (Espagne) et celle de la gamme haute, à Tournai (Belgique). Hors Europe enfin, des pelles sont également fabriquées sous licence au Brésil, au Mexique et au Japon.

Une grue PPM. La division Grues, encore appelée « Matériel de manutention » est le fait de PPM. Le lancement commercial des premières grues a eu lieu en 1969 et en moins de 4 ans, Georges Bader, directeur de cette division, a réussi à implanter avec succès une gamme de douze machines de 12 à 30 tonnes: grues automotrices sur pneus ou sur camion, à flèches treillis et télescopiques, grues d'intervention rapide (G.I.R.) à flèches télescopiques, draglines sur chenilles. Pour ces machines, tous les mouvements de levage, de relevage, d'orientation et parfois de translation sont assurés par des moteurs et des vérins hydrauliques Poclain fonctionnant sous haute pression. Agrandie, l'usine de Montceau-les-Mines s'étend sur 10000m2 et la production atteint en 1971 une machine et demie par jour. La même année, les 300 personnes de PPM réalisent un C.A. de 57,6 millions de francs en augmentation spectaculaire de 89 % sur 1970, exportant 45 % de leur production. Enfin, en accord avec Potain, Poclain a accru sa participation et détient désormais 70 % du capital de PPM.

Un chargeur CMC sur chenilles. La division Chargeurs se situe, elle, à Carvin. Créée le 22 mai 1969, la société filiale Constructions Mécaniques de Carvin, « CM.C » a pour objet d'une part, la production en série d'une nouvelle gamme de chargeurs sur pneus et sur chenilles à transmission hydraulique et d'autre part, la fabrication de sous-ensembles mécano-soudés. À l'origine de cette création, la volonté d'appliquer l'hydraulique à un nouveau produit et de permettre par la standardisation des modèles CM.C, P.P.M. et Poclain une meilleure utilisation des immobilisations en stock de pièces de rechange ainsi qu'une diminution générale du coût d'exploitation. Des études de Marché au niveau mondial ont permis de déterminer une gamme complète de chargeurs dont les premiers modèles de 98 à 144 ch DIN sont commercialisés en septembre 1971. Pierre Ravery est le directeur général de cette division qui compte environ 300 personnes.

Banc d'essais automatisé des moteur hydrauliques à Verberie. La division Hydraulique, est née, elle-aussi, en 1969. Cette division a pour objectifs, la satisfaction des besoins du Groupe en composants hydrauliques et, sous la marque Poclain Hydraulics, la commercialisation de sa gamme de produits. La Direction Générale justifie cette ouverture vers l'extérieur par trois raisons: la première est qu'en travaillant pour d'autres applications que les pelles, les spécialistes de l'hydraulique Poclain pourront approfondir leurs découvertes et faciliter ainsi une nécessaire évolution technique. La deuxième est qu'en retrouvant la compétition par l'élargissement de la clientèle, cette division retrouvera la compétitivité, ses techniciens ayant désormais constamment à l'esprit la notion de prix. Enfin, la troisième est qu'en offrant de nouveaux débouchés, Poclain Hydraulics pourra rentabiliser ses chaînes de fabrication par une augmentation régulière de sa production. Pour réaliser ces objectifs, le site de Verberie, vaste et moderne, compte 19 000 m2 couverts sur un terrain de 27 hectares. Des services d'Études, de Production et un service commercial articulé sur son propre réseau de vente, forment une structure complète susceptible d'assurer, de la conception à la mise au point, la responsabilité des techniques hydrauliques pour le Groupe Poclain et de s'adapter aux besoins de la clientèle extérieure. De plus, cette division dirigée par Pierre Praddaude, regroupe à partir de 1971 pour Perrier et 1973 pour Gury, les activités de ces deux sociétés devenues des filiales. Pour épauler cet ensemble employant dès 1971 plus de 700 personnes, un accord est passé avec Ferodo. Cette société, spécialiste des freins, des disques, des embrayages, prend une participation minoritaire de 15 % dans Poclain Hydraulics et s'engage à concourir financièrement à son développement. Très introduite sur le marché du poids-lourd et de l'automobile, Ferodo a, dans le domaine de l'hydraulique, des intérêts complémentaires de Poclain. Ayant intégré la société Hydroland en 1970, elle possède déjà une bonne expérience dans ce secteur et souhaite la développer. Elle facilitera en outre pour Poclain Hydraulics l'approche de nouveaux fabricants.

Diversifier, décentraliser. De 1968 à 1972, le Groupe français investira pas loin de 100 millions de francs dans cette réorganisation. Mais dans le même temps, le chiffre d'affaires doublait, passant de 355 à 761 millions de francs.


À I' étranger

L'édition japonaise d'Inter Poclain
Parallèlement, à l'étranger, d'autres filiales voient le jour, d'autres participations sont prises. Que ce soit avec des sociétés assurant uniquement la vente et le service après-vente des matériels Poclain, comme Svenska Poclain A.B en Suède, ou que ce soit avec des sociétés fabriquant sous licence, comme au Japon, Poclain Yutani Hydraulics Ltd et en Irlande, Poclain Hydraulics Ireland Ltd. À chaque fois, les modalités d'implantations dépendent des opportunités et des conditions du marché prospecté. Droits de douane élevés, spécificités nationales fortes, nécessitent souvent une installation industrielle avec cession de licence à un constructeur ou à un gouvernement local. Un agent efficace ayant son propre réseau de concessionnaires permet une simple participation ou une prise de contrôle. En l'absence de toute structure satisfaisante, la création d'une filiale est la seule solution dans la mesure où Poclain a comme objectif de prendre rapidement des positions sur la plupart des marchés significatifs. En 1974, le réseau commercial dirigé par Bernard Boulay couvre 100 pays, comprend 13 filiales de vente réalisant 805 millions de francs et 8 licenciés dont le plus important est le constructeur japonais Yutani.


En France

La succursale de Toulouse
En France, 7 succursales, dont celle de l'Ile-de-France dirigée par Robert Blondiau, et 26 concessionnaires assurent la distribution commerciale de la marque. La revente du matériel d'occasion est effectuée par une filiale spécialisée, Meaux-Matériel qui a à sa tête André Guéret. Une autre filiale, la Société Financière d'Études et de Gérance, « SOFEG », propose dès 1974 ses produits financiers, crédits, assurances, etc. Toujours en 1974, Poclain rachète la société « Tramac-Derruppe », une entreprise de petits chargeurs et de compacteurs connaissant de sérieuses difficultés. L'année suivante, un accord est signé avec Volvo B.M., branche Travaux Publics de Volvo, qui permettra à Poclain d'être commercialisé par la marque française en France et en Allemagne. Cet accord est lié aux difficultés de mise au point des chargeurs C.M.C., chargeurs d'une conception fortement novatrice mais qui rencontrent, surtout pour les modèles sur chenilles, des problèmes de fiabilité importants dont la solution exige temps et capitaux. L'idée de l'hydraulique est dans ce cas à la fois bonne et trop en avance. Le couple Volvo-Poclain apparaît alors comme parfaitement complémentaire, le Groupe suédois ne possédant pas de pelles hydrauliques mais une gamme efficace de chargeurs et le Groupe français possédant des pelles hydrauliques mais pas de chargeurs fiables.


Des succès

Une EC 1000.
En 1970, Poclain a obtenu le Grand Prix Hors Concours de l'Oscar de l'Exportation. La société est à cette date leader mondial de la pelle hydraulique avec 20 % du marché mondial et premier fabricant français de matériel de travaux publics. Symbolisant cette réussite, la plus grosse pelle hydraulique du monde, la EC1000, démarre en fabrication l'année suivante. La gamme comprend alors 17 modèles sur pneus et sur chenilles de 33 à 780 ch DIN ou encore de 8 à 160 tonnes. En 1972, le nombre record de 3 873 pelles vendues est atteint. Le chiffre d'affaire du Groupe s'élève à 761 millions de francs, représentant une progression de 25 % sur 1971. La reprise, après deux années de « basse conjoncture », semble se dessiner. Pour l'avenir, les prévisions de la direction sont optimistes. Même si l'entreprise reste tributaire d'un secteur d'activité extrêmement sensible, le BTP, elle s'est renforcée et peut envisager le futur avec confiance. 1973 confirmera ce jugement: 4 869 pelles vendues, + 26 %. Chiffre d'affaires: 1 022 millions, + 34,3 %. Bénéfice net: 25 millions de francs + 16 %. Le premier choc pétrolier intervient sur ces résultats. En France, 1974 voit la montée brutale de l'inflation et du chômage. L'activité industrielle fléchit avant de s'effondrer au cours du second semestre. Encore sur sa lancée, Poclain fait mieux que résister: si le bénéfice net descend à 13 millions de francs et le nombre de pelles vendues à 4 700 pour l'exercice 1974, le chiffre Une 125 P sur pylone avec équipement manutention, sur le parc d'un récupérateur de ferraille.d'affaires affiche une progression de 29,7 % pour passer la barre des 1 325 millions de francs. Partout dans le monde, cette crise est perçue comme une récession à caractère temporaire, un phénomène économique de cycle court exacerbé par la question énergétique. La Direction de Poclain partage cette opinion et table sur une reprise significative des ventes en 1975. Elle retient, dans un premier temps, l'objectif de 5 500 pelles pour l'année avant de s'arrêter au chiffre de 5 000 unités. Elle y croit d'autant plus que, face à la montée de la concurrence, la société avait décidé au début de 1973 le renouvellement complet de sa gamme. « Le numéro 1 de la pelle hydraulique, réinvente la pelle hydraulique» est le slogan trouvé par Jacques Séguela et son agence, RSCG. En 18 mois, les nouveaux modèles ont été prêts. Ratio Puissance/Poids augmenté, accroissement des performances de 40 % pour un prix supérieur de seulement 15 %, économie de la consommation de carburant de 30 %, vitesse de translation pour les engins sur chenilles p6ussée de 2 à 5 km/h, confort des cabines, esthétique, les pelles de cette gamme adoptent en outre une nouveauté hydraulique d'importance, le Variodyn. L'accueil de cet effort n'est pourtant pas à la hauteur des ambitions du Groupe. La raison principale en est simple: les premiers exemplaires se sont trouvés commercialisés au dernier semestre... 1974.


Premières difficultés

En janvier 1975, nouvelle et ancienne gamme confondues, seulement 250 pelles sont vendues. Ce chiffre est inférieur de 10 % à celui de janvier 1974. La crise économique semble s'installer et l'O.C.D.E. n'envisage aucune reprise avant la fin de l'année. Pierre Bataille et la Direction de Poclain réagissent alors vivement. Sur le plan de la production, après une réduction de 350 unités du programme de fabrication initial, des mesures sont prises pour comprimer les coûts: extension des équipements de soudure automatique, mécanisation des postes de travail, intégration progressive du système informatique au processus industriel, développement des méthodes de gestion prévisionnelle. Du côté de l'emploi, si aucun plan de licenciement n'est adopté, des mutations internes et une embauche réduite au minimum permettent de faire baisser l'effectif de 2,4 %. Les investissements, ne sont pas remis en cause et se montent pour l'année 1975 à 45 millions de francs. Ainsi, la construction d'un magasin central de pièces détachées, de conception très avancée, est maintenue. Sur le plan commercial enfin, Poclain n'envisage aucun repli. Au contraire: dans ce domaine, les directives de la Direction sont claires: il faut multiplier les actions d'avant-vente et d'après-vente, ne pas laisser passer l'orage bras croisés mais faire en sorte d'être prêt et bien placé lorsque viendra l'éclaircie. Autre impératif: Poclain ne doit plus à l'avenir être tributaire d'un seul débouché, le BTP, décidément trop sensible aux aléas conjoncturels. Par tous les moyens, il est nécessaire de chercher et de trouver dans les industries d'extraction, de récupération de matériaux, de manutention, une nouvelle clientèle pour les pelles hydrauliques. Cette première crise importante met déjà en lumière l'inertie que représente paradoxalement la vitesse acquise, le dynamisme, les réflexes d'une société habituée à la croissance et à la conquête. Pour Poclain, la redescente sur terre est difficile, même à envisager.


La mort de Georges Bataille

Georges Bataille. « Beaucoup de mes amis me demandent comment j'ai fait pour réaliser Poclain ; l'enseignement de votre vieux patron peut se résumer en quelques mots: faire tous les jours son travail, tel qu'il doit être fait et vivre simplement en ordre avec sa conscience ... J'ajouterai aussi, réfléchir le plus possible, chacun à son échelon en tirant tous dans le même sens. Pas d'orgueil; on a tous les jours quelque chose à apprendre, même de ceux qui sont en-dessous de nous ... » C'était le 19 mai 1966. Le 31 janvier 1975, Georges Bataille meurt. Il a 77 ans.

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